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Esmeralda et la clé turquoise

La petite Esmeralda, qui avait grandi trop vite, habitait son corps de géante avec la curiosité et la circonspection d’un étranger admis à visiter seul une vaste demeure vide. 

 

Elle avançait dans sa vie pas à pas, avec une gourmandise remplie d’excitation et de prudence car elle ne savait jamais à l’avance ce que chaque espace était susceptible de lui réserver comme surprise. 

 

Parfois, elle ressentait une émotion proche de la peur. Elle considérait alors cette sensation étrange comme une source d’information importante, qui lui demandait d’être vigilante, de ralentir ses pas, de contrôler ses mouvements et de mobiliser ses ressources secrètes. 

 

Le rituel qu’elle accomplissait systématiquement à l’approche de ce nuage sombre la sauvait à chaque fois d’une expérience potentiellement périlleuse et dommageable. 

Elle avait appris seule, sans recevoir de quiconque son savoir sacré. 

 

Le soir de sa première danse protectrice dans la forêt, elle s’était allongée au pied d’un chêne pour se reposer et apprécier la saveur inédite cette expérience insolite. En promenant ses mains avec douceur dans les fougères, elle avait trouvé une clé d’un bleu étincelant, un turquoise brillant qui lui avait donné l’impression que des étoiles éternelles avaient quitté le ciel pour venir se glisser à l’intérieur. 

 

Intriguée et heureuse de sa chance, elle avait observé pendant de longues minutes cet objet énigmatique sur lequel elle pouvait discerner par moment des éclats de lune et de soleil ainsi que de la poudre de diamants célestes. 

 

Elle avait ramassé cette clé sans hésiter une seule seconde car elle savait qu’en suivant son intuition et en agissant spontanément et joyeusement elle serait toujours protégée. 

 

Lorsqu’elle avait touché la surface de cette clé magique, elle avait ressenti un mélange paradoxal de calme et de tumulte parcourir chaque cellule de son corps, comme une onde chaleureuse et glaciale à la fois, un courant électrique multicolore qui se serait propagé dans toutes les directions et dans tous les espaces de vie et de non vie en même temps. 

 

A l’instant de ce premier contact, elle sut que cette clé magique n’ouvrirait jamais qu’une seule porte, celle de son coeur et de son âme, et qu’il lui suffirait simplement de fermer les yeux et de respirer lentement et profondément pour l’introduire dans la serrure de son temple sacré. 

 

Esmeralda reçut aussi la confirmation que la danse de son corps lui permettrait, en tous lieux et en tous temps, d’activer ses ressources intérieures, en commençant par sa joie d’être au monde pour vivre de merveilleuses aventures et partager de beaux et riches moments avec les autres.

 

Alexandra Fadin
(extrait des "Contes Merveilleux du Quotidien", tous droits réservés)

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