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La Veuve et la Déesse de la Guérison

La Déesse de la Guérison était apparue comme une fée au pied de la tombe du défunt. 

 

Haute comme trois humains, elle avait tournoyé sur elle-même en s’élevant dans les airs, trois fois dans un sens, puis neuf fois dans l’autre. 

 

Puis elle s’était posée sur la sépulture tout en déployant sa robe comme une étoffe sacrée qui avait alors fait disparaître la tombe entière, avec ses ornements de pierre, de bronze et de fleurs vivantes, ainsi que le vase d’argile contenant les poèmes écrits chaque jour par l’épouse du défunt, qui ne pouvait se résoudre à se nommer elle-même « VEUVE », tant son époux adoré vivait encore en elle et autour d’elle, nuit et jour, à chaque seconde et sans répit. 

 

La Déesse de la Guérison semblait accomplir son rituel à l’infini, sous les yeux ébahis de l’épouse transie de froid qui sentait son corps se transformer en glaçon à partir du bout de ses orteils, une métamorphose inattendue qui la distrayait du spectacle hallucinant de beauté et d’étrangeté auquel elle assistait. 

 

A la fin de la cinquième cérémonie, l’épouse ne savait plus si elle quittait la terre ou si elle rejoignait le ciel, tant ses sens se trouvaient perturbés. 

 

Au terme de la dixième édition de ce spectacle sensationnel, son corps fut entièrement recouvert de glace. 

 

Seuls ses yeux pouvaient encore voir et son coeur encore croire et aimer. 

 

Elle se prépara à faire ses adieux définitifs à son mari et à sa vie qui l’étouffait lorsqu’un miracle se produisit. 

La robe bleutée de la fée se décupla à l’infini pour venir recouvrir l’ensemble du territoire du cimetière et du village. 

 

L’épouse sentit l’étoffe venir frôler sa peau glacée qui, peu à peu, se réchauffa sous le tintillement du feu sacré qui commençait à répandre sa chaleur avec générosité. 

 

Vu de l’extérieur, par des yeux d’humains qui auraient par hasard assisté à ce spectacle, le voile en mouvement ressemblait à une brume matinale habituelle. 

 

Subitement, le tissu se transforma en eau avant de se dissoudre complètement dans les airs, laissant s’échapper deux majestueux corbeaux noirs aussi grands que la Déesse. 

 

En se découvrant l’un l’autre, ils se transformèrent en sculptures pendant quelques secondes avant de se mettre en mouvement et de s’élever très haut dans le ciel pour célébrer en dansant leur union éternelle. 

 

Alexandra Fadin
(extrait de "Contes Merveilleux du Quotidien", tous droits réservés)

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